La recherche a montré que si les traitements actuels (pharmacothérapie et psychothérapie) ne peuvent pas agir sur les causes des troubles anxieux, ils sont cependant efficaces pour modifier les conditions qui maintiennent ces troubles invalidants et pour permettre à ces patients de retrouver les processsus naturels nécessaires à la rémission de l’anxiété pathologique et au retour de leur équilibre de vie.
Chez les personnes anxieuses que nous voyons en clinique, la conjugaison de facteurs de vulnérabilité génétique, de traits de personnalité névrotique couplée à une histoire personnelle souvent faite de négligence, d’abus sinon de traumas favorisent :
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1. Un conditionnement de la peur plus facile ;
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2. Une persistance du rappel de la réponse conditionnée de peur ;
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3. Plus de résistance à l’apprentissage de l’extinction (la sécurité) ;
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4. Des déficiences dans le traitement du signal de sécurité avec un biais attentionnel vers les signaux de « menace »
La recherche nous indique que trois éléments sont nécessaires pour un traitement psychothérapique efficace de l’anxiété pathologique :
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1. Lors des confrontations avec sa peur pathologique, le patient doit recevoir des informations incompatibles avec ses croyances quant à la dangerosité des stimuli phobogènes et quant à l’intolérabilité de la détresse anxieuse qui les accompagnent ;
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2. Les comportements d’évitement qui interfèrent avec l’acquisition, le renforcement ou la consolidation de cette nouvelle information doivent être modifiés ou éliminés le plus possible ;
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3. Ces nouvelles informations doivent être « renforcées » dans la « mémoire » et généralisées par de nouvelles expositions dans différents contextes, avec des stimuli variés.
L’exposition clinique efficace regroupe ces trois conditions et permet l’apprentissage de l’extinction de la réaction de peur par la présentation répétée d’un objet ou d’une situation qui déclenche la peur en l’absence d’une conséquence aversive avec laquelle elle était associée avant. C’est ce qui « éteint » la réaction de peur conditionnée.
La recherche fondamentale en psychologie de l’apprentissage nous a permis de proposer des hypothèses cliniques pour expliquer un peu mieux les mécanismes psychophysiologiques qui sous-tendent l’efficacité de l’exposition.
Aujourd’hui, le modèle théorique de l’exposition qui présente le niveau de validité scientifique le plus élevé est celui de l’apprentissage par inhibition.
Contrairement au modèle d'habituation traditionnel, le modèle d'apprentissage par inhibition soutient que l'acquisition d'un nouvel apprentissage pendant l'exposition est nécessaire pour réduire les symptômes d'anxiété. Ce modèle postule en outre que l'extinction de la peur est une forme d'apprentissage, plutôt qu’une simple habituation sans apprentissage par association.
L'objectif thérapeutique lors des expositions n'est plus d'effacer la « mémoire initiale de peur », que nous savons maintenant permanente, mais de l'inhiber avec une nouvelle « mémoire de sécurité », plus fragile certes mais susceptible d’être renforcée par des expositions à des stimuli variés et dans différents contextes pour « favoriser le dialogue entre le cortex et l’amygdale » et réguler la réaction de peur.
Ce qui implique cliniquement que le premier apprentissage n'est pas effacé – nous n’oublions pas une peur, ce qui explique le retour de la peur – et que nous faisons plutôt de nouveaux apprentissages, notamment par des expositions qui doivent contenir les trois éléments nécessaires vus précédemment, pour renforcer la mémoire de sécurité et diminuer la probabilité de réapparition de la réaction de peur.
Ainsi thérapeute et patient.e vont concevoir en collaboration des expositions variées et graduées en intensité en fonction des capacités et de la motivation du patient en mettant l'accent sur ce qu’il/elle doit apprendre dans la situation redoutée pour :
3. Développer une perception mieux adaptée de son efficacité personnelle pour faire face à cette « menace »;
4. Améliorer la perception des ressources disponibles dans l’environnement pour l’aider à faire face à cette « menace »;
5. Apprendre qu’il/elle peut accepter et tolérer, pendant le temps prévu pour optimiser cette exposition, un niveau élevé de peur sans se mettre en danger plutôt que de chercher à contrôler cette émotion en s'engageant dans des tentatives d’évitements désespérées pour se sentir rapidement mieux.
Une psychothérapie pour un trouble anxieux où les expositions sont réalisées selon les principes de l’apprentissage par inhibition se déroule habituellement comme suit :
. Entretien d’évaluation de la personne ;
. Conceptualisation clinique ;
. Plan de traitement et contrat thérapeutique verbal ;
. Psychoéducation ;
. Expositions choisies et planifiées ;
. Évaluation des résultats et de l’alliance thérapeutique ; et
. Prévention de la rechute.
Les thérapeutes présentent les expositions en demandant aux patient.e.s :
. De quoi avez-vous le plus peur précisément ? (spécificité)
. Quelle est la pire conséquence pouvant vous arriver ? Que redoutez-vous le plus ?
. Dans quelles conditions et circonstances cette conséquence redoutée risque-t-elle le plus d’arriver ?
. Qu’avez-vous besoin d’apprendre pendant l’exposition pour vous prouver que vous pouvez surmonter cette peur ? Qu’est-ce qui pourrait vous prouver que vous avez la capacité de tolérer et de surmonter cette peur ?
. Comment allez-vous planifier et réaliser cette « expérience » ?
À l’aide d’une fiche pré-exposition comme celle présentée ci-dessous le/la patient.e prépare son exposition ciblée et spécifique pour sa peur initiale.
Ensuite le patient/la patiente il/elle revient sur son exposition en remplissant une fiche de post-exposition.
C’est vraisemblablement en ne prêtant plus attention à la diminution de sa peur pendant les expositions et en choisissant des expositions centrées sur le développement de son sentiment d’efficacité et sur l’acceptation de la peur que le/la patient.e retrouve l’espoir et les ressources intérieures pour faire face aux défis de sa vie.
J’espère que ce bref article aiguisera votre curiosité pour trouver psychothérapeutes, superviseur.e.s, lectures et formations cliniques afin d’approfondir votre maîtrise de l’exposition selon les principes de l’apprentissage par inhibition et privilégier le recours à la méthode psychothérapique dont l’efficacité clinique a été la plus validée empiriquement pour traiter ou soulager l’anxiété pathologique.
Un dernier point avant de se quitter : se rappeler avec Barkham et al. (2021) que « les traitements psychothérapiques ne traitent pas les gens, ce sont les psychothérapeutes qui traitent les gens en parlant avec eux. »
Pierre Lamy,
Psychologue-Psychothérapeute,
Membre de l’AFTCC
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE :
Abramowitz J. S., , Brett J. Deacon B.J., and Whiteside S. P. H.. (2019) Exposure Therapy for Anxiety. Principles and Practice. Second Edition. Guilford Press.
Barkham M., Lutz W., Castonguay L. G. (2021). Bergin and Garfield's Handbook of Psychotherapy and Behavior Change, 7th Edition.
Craske MG, Treanor M, Conway CC, Zbozinek T, Vervliet B. Maximizing exposure therapy: an inhibitory learning approach. Behav Res Ther. 2014 Jul;58:10-23.
Traduction française de cet article : Pierre Philippot, Vincent Dethier, Bram Vervliet, Michael Treanor, Chris Conway, Tomislav Zbozinek et Michelle G. Craske. Maximiser la thérapie par exposition : une approche basée sur l’apprentissage par inhibition. Revue Francophone de Clinique Comportementale et Cognitive, 2015, n°3, vol. 20.
Tolin DF, Doing CBT: a Comprehensive Guide to Working with Behaviors, Thoughts and Emotions, 2016, The Guilford Press.
Wampold BE. The Basics of Psychotherapy: An Introduction to Theory and Practice, 2018, Second Edition. American Psychological Association.